À la redécouverte des routes oubliées de la Drôme-Ardèche
Alors que les grands axes de communication concentrent la majorité du trafic touristique en Drôme et en Ardèche, de nombreuses voies secondaires — souvent anciennes, peu connues et pourtant riches d’un patrimoine remarquable — attendent d’être redécouvertes. Ces itinéraires, parfois délaissés, offrent une expérience authentique et immersive au cœur de la région Auvergne-Rhône-Alpes. En tant que professionnels du tourisme local, nous croyons qu’il est temps de valoriser ces routes oubliées, tant pour des raisons patrimoniales que touristiques et économiques.
Une géographie propice à la route buissonnière
La Drôme et l’Ardèche sont deux départements particulièrement propices à la découverte de chemins méconnus. Ils disposent d’un maillage dense de routes communales, chemins vicinaux et passages ruraux où le rythme du voyage ralentit pour laisser place à la contemplation. Des collines du Diois aux gorges sinueuses de l’Ardèche, en passant par la vallée du Rhône ou les contreforts du Vercors, ces petites routes traversent des paysages variés et souvent préservés.
Selon le répertoire de l’INSEE, les deux départements comptent ensemble plus de 12 000 kilomètres de voirie, dont une grande partie non classée dans les itinéraires principaux. Ces routes secondaires permettent un accès privilégié à des villages perchés, des hameaux oubliés et des vallées discrètes, éloignés de l’agitation estivale des grands sites touristiques.
Un intérêt croissant pour le tourisme lent et durable
Les tendances actuelles du voyage mettent en avant la lenteur, la durabilité et l’authenticité. Le concept du slow tourisme, encouragé par l’Agence de Développement Touristique Auvergne-Rhône-Alpes, trouve ici un terrain fertile. Loin du flux de circulation, les routes oubliées attirent les cyclotouristes, les motards, les randonneurs motorisés ou pédestres, et tous ceux en quête d’un tourisme responsable et local.
Le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche et le Parc Naturel Régional du Vercors, tous deux traversés par des axes secondaires au patrimoine paysager exceptionnel, promeuvent d’ailleurs une redécouverte raisonnée de ces chemins. Des programmes de valorisation sont en cours pour associer les itinéraires routiers aux circuits de randonnées, aux fermes pédagogiques et aux artisans locaux.
Des itinéraires à valoriser pour une autre lecture du territoire
La redécouverte des routes oubliées invite à changer notre regard sur le territoire. Parmi les itinéraires prometteurs, voici quelques exemples concrets que nous souhaitons mettre en avant :
- La Route des Balcons du Vercors : moins connue que les gorges de la Bourne, cette portion sinueuse reliant Sainte-Eulalie-en-Royans à Léoncel offre une vue saisissante sur la vallée de l’Isère et traverse plusieurs villages riches en histoire.
- L’ancienne route du col de Mézilhac, en Ardèche, désertée au profit des axes modernes, serpente entre forêts et prés ouverts, propice à l’observation de la faune sauvage et à la découverte des paysages volcaniques du Massif central.
- Les chemins agricoles et viticoles de la vallée du Rhône — entre Tain-l’Hermitage et Saint-Péray — permettent une immersion dans les terroirs d’exception, tout en longeant les anciennes voies gallo-romaines.
- La vallée de l’Eyrieux et ses ponts oubliés : les petites routes qui longent cette rivière offrent d’anciennes voies ferroviaires reconverties en voies vertes, idéales à vélo.
Ce type de réseau secondaire permet également de relier des sites patrimoniaux moins fréquentés : églises romanes, anciens moulins, cluzeaux, fermes typiques ou châteaux méconnus. Il participe ainsi à la décentralisation de la fréquentation touristique, un enjeu désormais crucial pour préserver l’équilibre écologique et social de nos territoires.
Initiatives locales et politiques publiques
La valorisation des itinéraires secondaires s’inscrit dans un ensemble d’actions portées tant par les collectivités locales que par les acteurs privés. Les départements de la Drôme et de l’Ardèche mènent des inventaires et cartographies visant à recenser les voies d’intérêt touristique et patrimonial. L’objectif est de les intégrer dans les nouveaux plans de mobilité douce (voies vertes, pistes cyclables) et dans les documents d’urbanisme.
À titre d’exemple, le programme « Petites Cités de Caractère », soutenu par les Régions et l’État, favorise cette valorisation en encourageant les liaisons secondaires entre villages labellisés. Les Offices de Tourisme de Montélimar Agglomération et d’Aubenas-Vals proposent également des itinéraires thématiques sur ces routes secondaires, combinant nature, gastronomie et patrimoine rural.
Autre axe de développement, le secteur privé s’empare du sujet : nombreuses sont les agences de voyages locales et les loueurs de vélo ou de van aménagé proposant désormais des circuits « hors des sentiers battus ». Ces offres, souvent personnalisées, misent sur l’exploration tranquille et détachée des grands flux touristiques.
Un potentiel économique et culturel sous-estimé
Outre l’intérêt touristique, ces routes oubliées représentent une ressource économique importante pour les producteurs locaux, les hébergeurs ruraux et les artisans. Les itinéraires secondaires deviennent alors des catalyseurs d’activité : chambres d’hôtes, marchés paysans, ateliers d’art ou fermes bio jalonnent ces routes, offrant une alternative authentique aux circuits standardisés.
D’un point de vue culturel, ces routes sont les témoins d’une histoire rurale encore visible : calvaires de croisement, fontaines, lavoirs, anciennes auberges, chemins de transhumance ou voies religieuses (comme les routes secondaires du chemin de Saint-Jacques de Compostelle) composent un patrimoine vivant. Les historiens locaux, associations de sauvegarde et habitants participent activement à cette redécouverte, comme en témoignent les publications de la Société d’Histoire de la Drôme ou les Sentiers d’Ardèche.
Investir dans l’entretien et la mise en valeur de ces routes, y compris avec une signalétique moderne et éducative, représente donc un véritable enjeu pour l’avenir du tourisme rural. Un tourisme plus équilibré, respectueux et ancré dans la réalité locale.
Pistes concrètes pour les visiteurs en quête d’authenticité
Pour les curieux et amateurs de découvertes non balisées, plusieurs ressources sont disponibles :
- Les cartes IGN spécifiques aux zones rurales de la Drôme et de l’Ardèche disponibles sur Géoportail.
- Les applications comme Komoot, OpenRunner ou OutdoorActive, qui recensent les itinéraires de randonnées pédestres, cyclables ou automobiles par petits chemins.
- Les circuits édités par les Communautés de Communes et les Offices de Tourisme locaux (ex : « Les chemins oubliés du Haut-Vivarais »).
- Les hébergeurs labellisés « Accueil Paysan » ou « Gîtes de France », qui proposent souvent des guides spécifiques aux alentours immédiats.
Nous invitons enfin chacun à prendre le temps, à s’éloigner des grands centres, pour découvrir la richesse d’un territoire encore préservé, dans ce qu’il a de plus humble et de plus beau : ses routes oubliées.